Fecafoot: L’amateurisme qui coûte cher au Cameroun

L’absence des Lionnes Indomptables à la CAN féminine 2024 n’est pas qu’un simple revers sportif. C’est l’illustration d’un mal plus profond : l’échec structurel de la Fédération Camerounaise de Football (FECAFOOT) sous la présidence de Samuel Eto’o. À travers ce camouflet historique, c’est toute une gouvernance sportive qui est mise à nu, entre improvisation, absence de stratégie claire pour le football féminin et perte de crédibilité internationale.

Une débâcle financière

Le Cameroun perd cette année beaucoup plus qu’un billet pour la phase finale. Il perd un pactole financier inédit. La Confédération Africaine de Football (CAF) a annoncé une augmentation de 100 % des dotations financières pour la CAN féminine : 1 million USD pour le vainqueur, 500 000 USD pour le finaliste, 300 000 USD pour le 3e, 150 000 pour les 3e de groupe, 125 000 USD pour les derniers. En tout, 3 475 000 USD à redistribuer, contre 2 400 000 en 2022. L’absence du Cameroun signifie donc une perte nette potentielle de plusieurs centaines de milliers de dollars. Dans un pays où les sélections féminines se battent régulièrement pour obtenir des primes, des équipements décents, voire des stages de préparation dignes de ce nom, ce manque à gagner est une catastrophe. À qui la faute ? À une fédération incapable de préparer ses sélections à temps, de les encadrer, et de construire une relève cohérente.

L’échec d’une vision

Depuis son arrivée à la tête de la FECAFOOT en 2021, Samuel Eto’o avait promis une refonte globale du football camerounais. Résultat, les querelles politiques, les luttes de pouvoir et le culte de la personnalité ont supplanté le travail de fond. Si le football masculin accapare toute l’attention et les ressources, le football féminin, lui, végète dans une précarité structurelle.

Aucune ligue professionnelle féminine digne de ce nom, des clubs sous-équipés, des championnats fantômes, et surtout une équipe nationale sans plan de relance clair. On l’a vu lors des éliminatoires : manque de matchs amicaux, préparation bâclée, staff mal encadré. Et au bout, une élimination humiliante, que ni le président de la FECAFOOT ni ses proches collaborateurs n’ont assumée publiquement.

L’image du Cameroun écornée

Le Cameroun était jusqu’ici l’un des poids lourds du football féminin africain : plusieurs participations à la Coupe du monde, des finales et demi-finales de CAN, une génération talentueuse portée par Ajara Nchout, Aboudi Onguene, et d’autres. Cette absence de la CAN 2024 n’est donc pas un simple accident, c’est un recul historique, un coup de frein violent à des années d’efforts.

Pire : elle donne une image désastreuse du Cameroun, au moment où d’autres nations investissent massivement dans leur football féminin (Maroc, Afrique du Sud, Zambie…). Le Cameroun, lui, se contente de slogans.

À qui la responsabilité ?

La FECAFOOT, avec Samuel Eto’o à sa tête, porte l’essentiel de cette responsabilité. Non seulement parce qu’elle gère directement les équipes nationales, mais parce qu’elle n’a jamais manifesté de véritable intérêt stratégique pour la section féminine. Pire encore, la désorganisation institutionnelle et les conflits avec le ministère des Sports ont davantage paralysé le système qu’ils ne l’ont servi. Le football féminin ne doit plus être vu comme un outil de communication. Il mérite des infrastructures, un championnat structuré, un encadrement technique stable, et une visibilité constante. Tant que la FECAFOOT fonctionnera dans l’improvisation et l’autopromotion, le Cameroun continuera à perdre sur tous les tableaux.

L’absence des Lionnes à la CAN 2024 est un avertissement. Et c’est aussi un test : le Cameroun veut-il vraiment développer son football dans toutes ses dimensions, ou continuer à briller par des illusions de grandeur ? La réponse est dans le silence gênant de la FECAFOOT depuis l’élimination.

Joakim IPELA

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