Samuel Eto’o à la FECAFOOT : l’horloge tourne, la fin de mandat approche

Le 11 décembre 2021, Samuel Eto’o Fils est porté à la tête de la Fédération Camerounaise de Football (FECAFOOT) dans un élan d’enthousiasme quasi messianique. Son élection face à Seidou Mbombo Njoya, président sortant et soutenu par les cercles du pouvoir, fut perçue comme une révolution populaire dans un football en perte de vitesse. Trois ans plus tard, l’euphorie a cédé la place à la désillusion, et pour de nombreux acteurs du ballon rond, les ténèbres ont envahi le ciel du football camerounais.

Un mandat de 4 ans, bientôt achevé

Élu pour un mandat de quatre ans, Samuel Eto’o arrive aujourd’hui à l’échéance naturelle de sa première gouvernance. Officiellement installé à la tête de la FECAFOOT en janvier 2022, il devrait rendre son tablier entre le 10 décembre 2025 et le 17 janvier 2026, à moins de se représenter.

À ce jour, il lui reste environ six mois à la tête de l’institution, mais cette échéance, loin de marquer une transition apaisée, s’accompagne déjà d’une atmosphère lourde et d’un climat électoral trouble.

Une réforme qui fait jaser

L’Assemblée générale de la FECAFOOT tenue le 16 novembre 2024 à Mbankomo restera dans les annales, non pas pour une avancée significative dans le développement du football camerounais, mais pour ce qui ressemble de plus en plus à une manœuvre de verrouillage institutionnel. Au cœur de cette réunion, une décision controversée : la modification du nombre de mandats présidentiels, porté de deux à trois, tout en maintenant la durée du mandat à quatre ans. Autrement dit, un président peut désormais diriger la FECAFOOT pendant douze années consécutives.

Cette réforme, votée à main levée dans une ambiance de quasi-culte de la personnalité, a immédiatement fait grincer des dents. Plusieurs observateurs du football camerounais, anciens dirigeants, journalistes et supporters y ont vu une stratégie habilement orchestrée pour pérenniser Samuel Eto’o au pouvoir, sous couvert de légalité.

Ce qui choque davantage, c’est la concentration de toutes les forces décisionnelles entre les mains du président en exercice, rendant le scrutin futur quasiment impraticable pour tout concurrent sérieux. Le corps électoral, composé de présidents de ligues, de districts, de clubs et d’associations affinitaires tous choisis ou influencés depuis l’arrivée d’Eto’o ne laisse guère place à la neutralité. Beaucoup craignent donc une élection verrouillée d’avance, maquillée en processus démocratique.

Et pourtant, ce même Samuel Eto’o avait déclaré en mai 2023, lorsqu’un autre projet de réforme tentait de faire passer le mandat à sept ans :

« On ne change pas les règles du jeu en cours de match. »

Un discours d’une cohérence douteuse, puisque le changement adopté en novembre 2024 s’inscrit exactement dans cette logique : changer les règles du jeu, mais cette fois à son avantage. Le timing de cette réforme, à seulement un an de la fin de son mandat, alimente les suspicions d’une manœuvre de survie politique, déguisée en décision administrative.

Autre élément qui jette de l’huile sur le feu : l’absence de concertation avec les autres acteurs du football. Aucune consultation préalable avec les clubs professionnels, les syndicats de joueurs, les anciens internationaux, ou même le ministère de tutelle. Tout a été fait en huis clos, dans l’opacité la plus totale. Une preuve supplémentaire, pour certains, que la FECAFOOT actuelle fonctionne comme une forteresse, avec Samuel Eto’o dans le rôle du maître absolu.

Dans un pays où le football est plus qu’un sport, mais un véritable ciment social, cette réforme est vécue comme une trahison de l’idéal démocratique. Elle consacre non pas la performance ou la compétence, mais la durée, l’usure du pouvoir, et l’élimination progressive de toute forme de contradiction

Qu’a-t-il fait du pouvoir ?

Le mandat d’Eto’o est sans conteste le plus médiatisé de l’histoire de la FECAFOOT. Mais ce n’est pas pour les raisons que l’on aurait espéré. Si l’on attendait des réformes profondes, une meilleure organisation des championnats locaux, des infrastructures modernes, une gouvernance éthique et des résultats concrets, le spectacle offert est tout autre : conflits internes, crises à répétition, sanctions internationales, gestion solitaire et opacité constante, matchs truqués, arbitres bastonnés, etcc

Entre le bras de fer avec le ministère des Sports, les scandales liés aux contrats flous comme celui avec One All Sports et Fourteen, la guerre froide avec le sélectionneur Marc Brys, le bashing numérique de l’icône André Onana, ou encore les critiques de figures emblématiques comme Lauren Etame Mayer, la FECAFOOT d’Eto’o est devenue un champ de bataille permanent, où le sport est relégué au second plan.

Les championnats locaux sont sous-financés, les joueurs professionnels en grève, les clubs abandonnés, les infrastructures délabrées, et le public démobilisé. Le football camerounais n’a jamais semblé aussi désorienté.

Un règne sous l’obscurité

Depuis décembre 2021, le sentiment général est celui d’une profonde obscurité. Le football, au lieu de rayonner, s’est enfoncé dans les brumes de l’instrumentalisation, du clientélisme et de l’improvisation. Les ténèbres se sont installées, et chaque lueur d’espoir est aussitôt étouffée par un scandale, une crise ou une décision incompréhensible.

L’élection d’Eto’o, qui aurait pu être une renaissance, s’est transformée en malédiction. Jamais le football camerounais n’a été aussi divisé, aussi polarisé, aussi dysfonctionnel. La passion s’est éteinte dans les stades, et le rêve a viré au cauchemar collectif.

Une futur élection verrouillée à l’avance ?

Comme si cela ne suffisait pas, les signaux envoyés à l’approche de l’élection de décembre 2025 sont alarmants. Plusieurs potentiels candidats crédibles sont écartés un à un, par des méthodes que d’aucuns jugent dignes des régimes autocratiques : suspensions disciplinaires injustifiées, procédures judiciaires douteuses, exclusions administratives opaques, campagnes de diffamation médiatique.

Ce climat pré-électoral donne une impression de verrouillage du processus. Eto’o ne veut pas d’adversaire. Il veut un plébiscite. Et pour cela, il faut nettoyer le terrain, écarter les voix dissidentes, isoler les opposants, et conserver un Comité exécutif à sa botte.

Quelle suite pour le football camerounais ?

À six mois de la fin officielle de son mandat, aucun calendrier électoral n’a été annoncé, aucun débat d’idées n’est ouvert, aucun mécanisme de transparence n’est mis en place. Le président sortant agit comme s’il était déjà reconduit, sans contradiction possible.

Les amoureux du football camerounais s’interrogent : le Cameroun peut-il continuer ainsi ? Le football peut-il se relever sans alternance, sans débat, sans lumière ? Peut-on encore rêver d’un retour au jeu pur, au respect des règles, à la fierté d’un peuple autour de son équipe ?

Pour finir, Samuel Eto’o est encore président. Mais le rêve qu’il incarnait est désormais derrière nous. Le football camerounais est pris dans un tunnel d’incertitudes, sans visibilité, sans respiration, sans joie. Les projecteurs sont éteints. Et les ténèbres, elles, durent depuis bientôt quatre ans.

Il reste six mois. Peut-être un sursaut. Peut-être une mascarade de plus. Mais une chose est sûre : le peuple camerounais, qui aime le football plus que tout, ne mérite pas cette nuit sans fin.

Blaise Etongtek

Commentaires (1)

  1. Blaise Etongtek

    Samuel est une calamité dans toute sa splendeur

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